Archives de la catégorie ‘Poésie’

LA RETIRADA.

Publié: 14 octobre 2007 dans Poésie

 

UN POEME D’EOLIENNE MA PETITE SOEUR  

 

Papa 1938/1939

 

La Rétirada  

 

La jeune république arrachée à sa gloire,

La meute de Franco crie sa triste victoire,

Pauvre peuple Espagnol, pauvres Républicains,

Fuyez vers les Français ou Sud Américains.

 

Tenez-vous bien cachés car cette armée fasciste,

De vous, Républicains, est devenue raciste.

Ceux qu’ils découvriront seront tous mis à mort,

Détenant le pouvoir, ils vous donneront tort !

 

Pour ceux qui ont choisi de venir vers la France,

Les voilà sur la route et au cœur, la souffrance ;

Valises à la main, dans les bras les enfants,

Le chemin de l’exil s’emplit d’agonisants.

 

Et sur ce long chemin quand trop lourde est la charge,

Vous lâchez vos paquets et toute la surcharge

Car seul reste après tout, cet instinct de survie

Arriver, saufs, en France est votre seule envie.

 

Chacun de vous sera  « réfugié politique »

Mais ce qui vous attend est apocalyptique :

Camp de concentration et non pas camp d’accueil,

De vos plus beaux espoirs vous en faites le deuil.

 

Je vais parler de ceux accompagnant mon Père,

Parqués sur une plage, laissés dans la misère,

Combien ont survécu ? Morts de froid et de faim,

La plage d’Argelès ressemble à un essaim.

 

Pour se couvrir de sable avec les mains on creuse,

Pensant bien éviter la froideur douloureuse,

Tuant ainsi les poux qui recouvrent leur peau,

Mais ces trous dans le sable sont en fait un tombeau.

 

Parfois un gros camion sur la plage déverse,

Quelques milliers de pains en une lourde averse,

L’essaim se précipite, on s’écrase, on se bat,

La faim devient plus forte, on oublie le combat.

 

Engagés dans l’armée ils partent en Belgique,

Fiers de se battre encore pour Notre République,

Hitler enfin vaincu leur met du baume au cœur,

Un grand fasciste en moins ! Apaise leur rancœur.

 

Lorsque j’étais enfant, Papa me racontait…

Dans ses yeux je voyais des larmes qui montaient…

 

Camps d’Argelés sur Mer (66) 

   

Poème publié dans l’Oasis des Artistes (voir lien dans mes sites favoris).   

POEME DE JOSELITO

Publié: 25 février 2007 dans Poésie

Mon lieutenant à mon papy (Républicain Espagnol)

Le poing levé
Tu traverses la souffrance
Tu avances sans t’arrêter
Mourir pour la liberté serait une chance

Ils ne passeront pas
Tel est le slogan de votre combat
Repartir, la laisser s’assombrir
Plutôt mourir!

Regarde tous ces enfants
Mon lieutenant
Il te faut la protéger
Reste le poing levé!

Joselito (16 ans)

http://www.oasisdesartistes.com/modules/newbbex/viewtopic.php?viewmode=flat&topic_id=22827&forum=2

http://www.oasisdesartistes.com/

 

PABLO NERUDA

Publié: 6 décembre 2006 dans Poésie

LE WINNIPEG ET AUTRES POÈMES 

J’ai aimé dès le début le mot Winnipeg. Les mots ont des ailes ou n’en ont pas. Les mots rugueux restent collés au papier, à la tables, à la terre. le mot Winnipeg est ailé. Je l’ai vu s’envoler pour la première fois sur le quai d’un embarcadère, près de Bordeaux.

Le Winnipeg était un beau vieux bateau, auquel les sept mers et le temps avaient donné sa dignité. On peut affirmer qu’il n’avait jamais transporté à son bord plus de soixante-dix à quatre-vingts personnes. Le reste avait été constitué par des cargaisons de cacao, de coprah, de sacs de café de riz, par des chargements de minerais. Cette fois pourtant un affrètement plus important l’attendait: l’espoir.

Sous mes yeux et ma direction, deux mille hommes et femmes devait embarquer. Ils arrivaient des camps de concentration, de régions inhospitalières des désert, des terres africaines. Il venaient de l’angoisse, de la défaite, et ce bateau allait les recevoir et les emmener sur le continent américain, jusqu’aux côtes du Chili qui les accueillait. C’étaient les combattants espagnols qui avaient franchi la frontière française pour un exil qui dure depuis plus de trente ans.

La guerre civile – et incivile – d’Espagne agonisait de cette manière: des gens à demi prisonniers étaient entassés dans des forteresse quand ils ne s’amoncelaient pas pour dormir à même le sable. L’exode avait brisé le coeur su plus grand des poètes, don Antonio Machado. Ce coeur avait cessé de battre à peine franchies les Pyrénées. Des soldats de la République, dans leurs uniformes en lambeaux, avaient porté son cercueil au cimetière de Collioure. C’est là que cet Andalou qui avait chanté comme aucun autre les campagnes de Castille repose encore.

Je n’avais pas songé, en me rendant du Chili en France, aux contretemps, obstacles et adversités que je rencontrerais au cours de ma mission. Mon pays avait besoin de compétences, d’homme à la volonté créatrice. Nous manquions de spécialistes. La mer chilienne m’avait demandé des pêcheurs. Les mines réclamaient des ingénieurs. Les champs, des ouvriers pour conduire les tracteurs. Les premiers moteurs Diesel m’avaient chargé de recruter des mécaniciens spécialisés.

Rassembler ces être dispersés, les désigner dans les camps les plus éloignés et les acheminer jusqu’à ce carré de jour bleu, devant l’océan de France où se balançait tranquillement le Winnipeg, fut une affaire sérieuse et complexe, une entreprise dans laquelle le dévouement côtoyait souvent le désespoir.

Un organisme de solidarité, le SERE, fut fondé. L’aide venait, d’une part, des derniers fonds du gouvernement républicain et, d’autre part, d’une institution qui garde pour moi tout son mystère: les quakers.

Je me déclare abominablement ignorant en matière de de religions. Ce combat contre le péché constitue l’essentiel de leurs préoccupation m’a écarté, dans ma jeunesse, de tous les credos, et l’attitude superficielle d’indifférence que j’ai alors adoptée a persisté ma vie durant. Mais je dois à la vérité de dire que ces magnifiques sectateurs apparaissaient sur le môle et qu’ils payaient à chaque Espagnols la moitié de son billet pour la liberté, sans faire aucune distinction entre les athées et les croyants, les pécheurs et les pêcheurs. Depuis, quand je lis quelques part le mot quaker, je salue respectueusement par la pensé de leur mouvement.

Les trains arrivaient sans arrêt à l’embarcadère. Les femmes reconnaissaient leurs maris à travers les portières des wagons. Ils avaient été séparés depuis la fin de la guerre et ils se revoyaient pour la première fois devant le bateau qui les attendait. Jamais il ne m’avait été donné d’assister à des retrouvailles, des sanglots; des baisers, des étreintes, des éclats de rire aussi dramatiquement délirants.

De longues tables s’alignaient pour la vérification des papier et de l’identité, et pour le contrôle sanitaire. Derrière celles-ci, mes collaborateurs, secrétaires, consuls, amis, formaient une sorte de tribunal du purgatoire. Aux yeux des émigrants je dus, exceptionnellement ce jour-là, prendre les traits de Jupiter. Je décrétais le oui ultime, le non définitif. N’étant guère partisan du second, je répondais toujours par oui.
Je fus pourtant sur le point de signer un refus. Par bonheur, je compris à temps.
Un Castillan, un paysan à blouse noire tire-bouchonnée aux manches, venait de se présenter devant moi. Cette large blousse flottante était celle des ruraux de la Manche. L’homme, planté là avec sa femme et ses sept enfants, avait un certain âge, le visage tanné et creusé de rides.

En examinant les renseignements fournis par sa carte d’identité, je lui demandai, surpris:
– Le liège, c’est votre métier?
– Oui, monsieur, me répondit-il, gravement.
– Alors, il y a erreur. Qu’est-ce que vous iriez faire au Chili? Là-bas, il n’y a pas de chênes-lièges.
– Eh bien, monsieur, il y en aura, me répliqua le paysan.
– Montez, lui dis-je. C’est d’hommes comme vous dont nous avons besoin.

Avec la même fierté qui lui avait inspiré sa réponse, le paysan se mit à gravir la passerelle du Winnipeg, suivi de ses sept enfants et de son épouse. Beaucoup plus tard, l’argument de cet Espagnol imperturbable se révéla exact: il y eut – et, bien entendu, il y a toujours des chênes-lièges au Chili.

Presque tous mes protégés, pèlerins partant pour des terres inconnues, étaient maintenant embarqués, et je me préparais à prendre un peu de repos après cette tâches difficile, lorsque je vis se prolonger mes émotions. Le gouvernement chiliens, soumis aux pressions et aux attaques, m’adressait le message suivant: INFORMATION PRESSE AFFIRMENT EFFECTUER IMMIGRATION MASSIVE ESPAGNOLS. PRIÈRE DÉMENTIR OU ANNULER VOYAGE ÉMIGRÉS.

Que faire?
Il y avait une solution: convoquer la presse, lui monter le bateau rempli a craquer de ses deux mille Espagnols, lire le télégramme d’une voix solennelle. Et cela fait, me tirer sur place une balle dans la tête.

Ou encore: accompagner mes émigrant et débarquer au Chili avec l’appui de la raison ou de la poésie.

Avant de prendre une décision, je décrochai le téléphone pour m’entretenir avec le ministre chilien des Affaires étrangères. EN 1939, une communication téléphonique était difficilement déchiffrable. Pourtant mon indignation et mon angoisse furent entendues à travers océans et cordillères et le ministre m’approuva. Après une petite crise de cabinet, le Winnipeg, avec ses deux mille Républicains qui chantaient et pleuraient, leva l’ancre et mis le cap sur Valparaiso.

Que la critique efface toute ma poésie, si bon lui semble. Mais ce poème dont j’évoque aujourd’hui le souvenir, personne ne pourra l’effacer .


Pablo NERUDA
(NÉ POUR NAÎTRE Cinquième Cahier Réflexions Depuis l’ Île-Noire)

UNE CHANSON DE JEAN FERRAT

Publié: 20 novembre 2006 dans Poésie

MARIA AVAIT DEUX ENFANTS

Maria avait deux enfants
Deux garçons dont elle était fière
Et c’était bien la même chair
Et c’était bien le même sang

Ils grandirent sur cette terre
Près de
la Méditerranée
Ils grandirent dans la lumière
Entre l’olive et l’oranger

C’est presqu’île jour de leurs vingt ans
Qu’éclata la guerre civile
On vit l’Espagne rouge de sang
Crier dans un monde immobile

Les deux garçons de Maria
N’étaient pas dans le même camp
N’étaient pas du même combat
L’un était rouge et l’autre blanc

Qui des deux tira le premier
Le jour où les fusils parlèrent
Et lequel des deux s’est tué
Sur le corps tout chaud de son frère

On ne sait pas, tout ce qu’on sait
C’est qu’on les retrouva ensemble
Le blanc et le rouge mêlés
A même les pierres et la cendre

Si vous lui parlez de la guerre
Si vous lui dites liberté
Elle vous montrera la pierre
Où ses enfants sont enterrés

Maria avait deux enfants
Deux garçons dont elle était fière
Et c’était bien la même chair
Et c’était bien le même sang

Jean FERRAT

UN POEME DE ROBERT DESNOS

Publié: 2 Mai 2006 dans Poésie
 

Ce cœur qui haïssait la guerre

 

 

Ce cœur qui haïssait la guerre
voilà qu’il bat pour le combat et la bataille !
Ce cœur qui ne battait qu’au rythme des marées, à celui des saisons,
à celui des heures du jour et de la nuit,
Voilà qu’il se gonfle et qu’il envoie dans les veines
un sang brûlant de salpêtre et de haine.
Et qu’il mène un tel bruit dans la cervelle que les oreilles en sifflent
Et qu’il n’est pas possible que ce bruit ne se répande pas dans la ville et la campagne
Comme le son d’une cloche appelant à l’émeute et au combat.
Écoutez, je l’entends qui me revient renvoyé par les échos.

Mais non, c’est le bruit d’autres cœurs, de millions d’autres cœurs
battant comme le mien à travers la France.
Ils battent au même rythme pour la même besogne tous ces cœurs,

Leur bruit est celui de la mer à l’assaut des falaises
Et tout ce sang porte dans des millions de cervelles un même mot d’ordre :
Révolte contre Hitler et mort à ses partisans !
Pourtant ce cœur haïssait la guerre et battait au rythme des saisons,
Mais un seul mot : Liberté a suffi à réveiller les vieilles colères
Et des millions de Français se préparent dans l’ombre
à la besogne que l’aube proche leur imposera.
Car ces cœurs qui haïssaient la guerre battaient pour la liberté
au rythme même des saisons et des marées,
du jour et de la nuit.

 

Robert Desnos

La Rose et le Réséda

 

 

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Tous deux adoraient la belle
Prisonnière des soldats
Lequel montait à l’échelle
Et lequel guettait en bas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Qu’importe comment s’appelle
Cette clarté sur leur pas
Que l’un fut de la chapelle
Et l’autre s’y dérobât
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Tous les deux étaient fidèles
Des lèvres du coeur des bras
Et tous les deux disaient qu’elle
Vive et qui vivra verra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au coeur du commun combat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Du haut de la citadelle
La sentinelle tira
Par deux fois et l’un chancelle
L’autre tombe qui mourra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Ils sont en prison Lequel
A le plus triste grabat
Lequel plus que l’autre gèle
Lequel préfère les rats
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Un rebelle est un rebelle
Deux sanglots font un seul glas
Et quand vient l’aube cruelle
Passent de vie à trépas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Répétant le nom de celle
Qu’aucun des deux ne trompa
Et leur sang rouge ruisselle
Même couleur même éclat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Il coule il coule il se mêle
À la terre qu’il aima
Pour qu’à la saison nouvelle
Mûrisse un raisin muscat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
L’un court et l’autre a des ailes
De Bretagne ou du Jura
Et framboise ou mirabelle
Le grillon rechantera
Dites flûte ou violoncelle
Le double amour qui brûla
L’alouette et l’hirondelle
La rose et le réséda

 

Louis Aragon 

POEME DE ROGER A. LHOMBREAUD

Publié: 1 Mai 2006 dans Poésie
 

La plus hostile rue des temps

 

J’ai fui 
dans une bordée d’obscurs visages 
la plus hostile rue des temps. J’ai glissé 
sur des flaques de regard et d’ordures.. 
Je cours, je cours dans cette rue d’éternité 
Sans faire un pas vers le soleil ni vers les hommes." 
Pierre Emmanuel 
Jours de Colère 
"Réfugiés"

Quand on n ‘a pas trente ans, et qu’on surprend le monde, 
Quand on sent au-dedans l’emportement du sang, 
Quand la démangeaison de terrasser l’Immonde, 
De créer l’Agissant, de crier, frémissant, 
Tourmente un coeur tout neuf partant pour tout apprendre, 
Quand on entend partout mander sa "mission" : 
("La conquête du monde, à vous de l’entreprendre ! ") 
Quand la gloire éblouit, quand, sans rémission, 
On se lève et se jette au-dessus des mêlées, 
Quand on ressent cela, que l’on accepte aussi 
D’être les mains, les dents, les poitrines zélées 
De tant et tant de gens arrivés et assis, 
Alors, mes Frères, oui alors, qu’abordons-nous ? 
Juchés sur nos tranchées, 
Tremblant dans nos genoux, 
Nos fougues relâchées : 
Nous pouvons admirer 
Et le Monde, et l’Epoque, 
Et même déchirer 
Les masques et défroques .

Et ce que nous voyons, mes Frères, de mémoire 
D’homme, on ne l’avait vu, ni même imaginé, 
Ni lu dans nul grimoire : 
Car ce que nous voyons, c’est un succédané 
D’humanité perdue, 
Monstrueuse verrue . 
On n’y trouve pas l’Homme, et l’homme se tient coi : 
L’homme-abdication, l’homme-caricature, 
Tapi, petit, palpite, habite l’aventure 
Qui peut le mettre à mort, sans qu’il sache pourquoi !

Ça fourmille de gens attardés 
Ce monde tardif de maintenant ; 
Ça grouille de pontifes bardés, 
De grenouilles et de gouvernants . 
Nous avons nos savants, à tout prendre, 
Qui clament, qui classent, qui se cloîtrent 
Dans des couvents chromés, pour accroître 
Le Savoir — et pour ne rien comprendre…

Il y a les cœurs simples et bons, 
Déchiquetés à coups de couteau ; 
Il y a les morts purs des poteaux, 
Brisés par les balles et leurs bonds…

Il n’ y a plus de bilan humain 
Ni l’espérance des lendemains…

Pourtant, il y a Nous, 
Avec tous nos dégoûts 
Et nos sourdes révoltes, 
Avec nos désirs fous de fécondes récoltes ; 
Il y a Nous enfin, 
Le creusement de faim 
Si long qui nous pénètre, 
L’engagement de l’être, 
De tout notre être 
Luttant contre la masse 
Qui monte et qui menace 
(Mais sans nous émouvoir ! ) 
Luttant contre l’avoir, 
Le vain Avoir : 
Et l’Avoir, c’est l’argent, 
La peur, la mort, le sang, 
Et les durs héroïsmes 
Et les sots égoïsmes 
Que nous avons subis :

"To be or not to be"…

Il s’agit maintenant d’exister, 
D’exister pour vouloir résister 
A l’Avoir, pour donner à notre être 
Sa raison d’Etre !

 

© Roger- A. Lhombreaud
Edimbourg 1946

UN HOMMAGE DU GOUVERNEMENT ESPAGNOL.

Publié: 30 avril 2006 dans Poésie
 

12/10/04 : La fête nationale espagnole n’a pas échappé, hier, à l’empreinte du nouveau gouvernement socialiste. Le jour de l’«hispanité», en référence à la date anniversaire de la découverte des Amériques par Christophe Colomb, le 12 octobre 1492, devait être marquée en effet par l’esprit de conciliation, cher au nouvel exécutif, élu le 14 mars dernier. Outre un hommage rendu aux 191 victimes des attentats du 11 mars, le gouvernement de gauche a voulu panser les plaies du passé. La cérémonie, dédiée aux combattants morts pour la patrie et célébrée par le roi Juan Carlos, s’est déroulée en présence d’anciens combattants républicains et franquistes. Une première depuis le retour à la démocratie qui a suscité une polémique.

Le gouvernement Zapatero a également imprimé sa marque au traditionnel défilé militaire. Pour illustrer le virage pro-européen de sa diplomatie, le gouvernement Zapatero avait invité un détachement français du bataillon d’infanterie de marine du Tchad à participer à la parade. Ils remplaçaient les marines américains, invités l’année précédente par le très atlantiste José Maria Aznar.

«La présence des Français est un hommage au 60e anniversaire de la libération de Paris, où participèrent des républicains espagnols engagés dans la 2e division blindée du général Leclerc», a commenté le ministre de la Défense espagnol, José Bono.

Diane Cambon

                               

 

© http://www.pce.es


A l’occasion de la fête nationale espagnole commémorant la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb en 1492, un détachement français a été invité à participer aux cérémonies du 12 octobre 2004. Le gouvernement espagnol voulait ainsi mettre à l’honneur cette année les soldats qui participèrent à la libération de la France en 1944. C’est tout naturellement que le Régiment de Marche du Tchad a été désigné pour cette mission.
La 9e Compagnie de ce régiment, la "nueve", était en effet composée en majorité d’Espagnols en 1944.
Ainsi les Marsouins de la 4e Compagnie du Capitaine Pierre, le drapeau et sa garde emmenés par le Colonel Ducret, chef de corps, ont atterri à Getafe, au sud de la capitale espagnole le jeudi 7 octobre. Les journées se sont succédées à un rythme régulier : répétitions, activités culturelles, et activités de cohésion. Les autorités locales leur ont réservé un accueil remarquable : ouverture spéciale du musée de l’armée, réception à la résidence de l’ambassadeur de France, déjeuner du chef de corps avec le ministre de la défense, etc.
Mais c’est surtout le défilé du 12 qui restera gravé dans les mémoires : deux kilomètres d’un boulevard digne des Champs Elysées bordé de tribunes combles, passage devant la famille régnante et le gouvernement. Mis à l’honneur selon le protocole espagnol, le détachement était placé en tête du défilé, immédiatement après la garde royale. LA cadence très rapide des Espagnols avait nécessité des heures d’entraînement, mais cela en valait vraiment la peine.
© L’Ancre d’Or n° 344 – janvier-février 2005

VIENT DE PARAITRE

Publié: 25 avril 2006 dans Poésie
 
Le recueil de poésie de ma petite soeur vient d’être publié.
Pour se le procurer contact sur ma messagerie ou chez l’éditeur.
 
 http://http://www.mille-poetes.com/Librairie_Poesie-001.html
 
 
Ou auprés de l’auteur avec dédicace: 20€ port compris.
 
 
 
  
 
  

LE CHANT DES PARTISANS

Publié: 24 avril 2006 dans Poésie

 

LE CHANT DES PARTISANS

 

  

Ami entends-tu
Le vol noir des corbeaux
Sur nos plaines.
Ami entends-tu
Les cris sourds du pays
Qu’on enchaîne …
Ohé partisans
Ouvriers et paysans
C’est l’alarme !
Ce soir l’ennemi
Connaîtra le prix du sang
Et des larmes …

Montez de la mine,
Descendez des collines,
Camarades.
Sortez de la paille
Les fusils, la mitraille,
Les grenades.
Ohé ! les tueurs
A la balle et au couteau
Tuez vite !
Ohé ! saboteurs
Attention à ton fardeau …
Dynamite …

C’est nous qui brisons
Les barreaux des prisons
Pour nos frères.
La haine à nos trousses
Et la faim qui nous pousse,
La misère.
Il y a des pays
Où les gens au creux des lits
Font des rêves.
Ici, nous vois-tu
Nous on marche et nous on tue
Nous on crève …

Ici, chacun sait
Ce qu’il veut, ce qu’il fait
Quand il passe
Ami, si tu tombes,
Un ami sort de l’ombre
A ta place.
Demain du sang noir
Séchera au grand soleil
Sur les routes.
Chantez compagnons,
Dans la nuit, la liberté
Nous écoute …

Ami, entends-tu
Les cris sourds du pays qu’on
Enchaîne !
Ami, entends-tu
Le vol noir des corbeaux sur nos plaines …

  

  

PAUL ELUARD – L’AFFICHE ROUGE (4)

Publié: 21 avril 2006 dans Poésie

Résistance.

 

L’Affiche rouge

 

Si j’ai le droit de dire, en français, aujourd’hui,

Ma peine est mon espoir, ma colère et ma joie

Si rien ne s’est voilé, définitivement,

De notre rêve immense et de notre sagesse

C’est que ces étrangers, comme on les nomme encore,

Croyaient à la justice, ici-bas, et concrète

Ils avaient dans leur sang le sang de leurs semblables

Ces étrangers savaient quelle était leur patrie.

La liberté d’un peuple oriente tous les peuples

Un innocent aux fers enchaîne tous les hommes

Et, qui ne refuse à son coeur, sait sa loi

Il faut vaincre le gouffre et vaincre la vermine

Ces étrangers d’ici, qui choisirent le feu,

Leurs portraits, sur les murs, sont vivants pour toujours

Un soleil de mémoire éclaire leur beauté

Ils ont tué pour vivre, ils ont crié vengeance.

Leur vie tuait la mort au coeur d’un miroir fixe

Le seul voeu de justice a pour écho la vie

Et lorsqu’on n’entendra que cette voix sur terre,

Lorsqu’on ne tuera plus ils seront bien vengés.

Et ce sera justice.

 

Paul Eluard

LOUIS ARAGON: L’AFFICHE ROUGE. (5)

Publié: 18 avril 2006 dans Poésie

 

 L’affiche rouge

 

   

Vous n’avez réclamé ni gloire ni les larmes
Ni l’orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servis simplement de vos armes
La mort n’éblouit pas les yeux des Partisans

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L’affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants

Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l’heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR
LA FRANCE

Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
A la fin février pour vos derniers moments
Et c’est alors que l’un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand

Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan

Un grand soleil d’hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que

Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant

 

 

Louis Aragon

EL CRIMEN FUE EN GRANADA:

A FEDERICO GARCÍA LORCA

 

 

I. El crimen

Se le vio, caminando entre fusiles,
por una calle larga,
salir al campo frío,
aún con estrellas de la madrugada.
Mataron a Federico
cuando la luz asomaba.
El pelotón de verdugos
no osó mirarle la cara.
Todos cerraron los ojos;
rezaron: ¡ni Dios te salva!
Muerto cayó Federico
—sangre en la frente y plomo en las entrañas—
… Que fue en Granada el crimen
sabed —¡pobre Granada!—, en su Granada.

II. El poeta y la muerte

Se le vio caminar solo con Ella,
sin miedo a su guadaña.
—Ya el sol en torre y torre, los martillos
en yunque— yunque y yunque de las fraguas.
Hablaba Federico,
requebrando a la muerte. Ella escuchaba.
«Porque ayer en mi verso, compañera,
sonaba el golpe de tus secas palmas,
y diste el hielo a mi cantar, y el filo
a mi tragedia de tu hoz de plata,
te cantaré la carne que no tienes,
los ojos que te faltan,
tus cabellos que el viento sacudía,
los rojos labios donde te besaban…
Hoy como ayer, gitana, muerte mía,
qué bien contigo a solas,
por estos aires de Granada, ¡mi Granada!»

III.

Se le vio caminar…
                      Labrad, amigos,
de piedra y sueño en el Alhambra,
un túmulo al poeta,
sobre una fuente donde llore el agua,
y eternamente diga:
el crimen fue en Granada, ¡en su Granada!

 

Antonio Machado 

 

 

 

 

Traduction partiel en français.

  C’EST A GRENADE QUE LE CRIME EUT LIEU

A FEDERICO GARCIA LORCA

 

 

I – Le Crime

On le vit marchant entre des fusils  
Par une longue rue  
Qui donnait sur la campagne froide  
de l’aube, encore sous les étoiles.  
Ils tuèrent Federico  
Alors que pointait la lumière.  
Le peloton de bourreaux  
N’osa pas le regarder au visage.  
Tous fermèrent les yeux ;  
Ils prièrent…Dieu lui-même ne te sauverait pas… 
Federico tomba mort  
– du sang sur le front, du plomb dans les entrailles –  
… C’est à Grenade que le crime eut lieu,  
Vous savez – pauvre Grenade ! – dans sa Grenade !

 

II – Le poète et la mort

[……]

  

III. 
On les vit s’éloigner… 
Taillez, amis, 
Dans la pierre et le rêve, à l’Alhambra, 
Une tombe au poète, 
Sur une fontaine, où l’eau pleure, 
et, éternellement dise : 
Le crime eut lieu à Grenade … dans sa Grenade !
 
 
 
Traduit par G. Pillement (site: l’Espagne au coeur.)

VIE ET MORT D’UN POETE.

Publié: 18 avril 2006 dans Poésie

ANTONIO MACHADO 1875 – 1939

 

Les deux plus grands poètes espagnols du XXème siècle, Federico Garcia Lorca, assassiné à Grenade en 1936 et Antonio Machado  mort en exil à Collioure en 1939, furent tous deux victimes du Franquisme. Moins éclatante et audacieuse que la poésie de Lorca, mais empreinte d’une sagesse et d’une profondeur qui lui donne une portée égale à celle des plus grand poètes de tous les temps, de Khayyam (Perse) à Umberto Saba (Italie), l’oeuvre de Machado interroge constamment les grands mystères de la vie humaine, dans une contemplation attentive des hommes et du monde.

 

Tout passe
et tout demeure
Mais notre affaire est de passer
De passer en traçant
Des chemins
Des chemins sur la mer
Voyageur, le chemin
C’est les traces
de tes pas
C’est tout ; voyageur,
il n’y a pas de chemin,
Le chemin se fait en marchant
Le chemin se fait en marchant
Et quand tu regardes en arrière
Tu vois le sentier
Que jamais
Tu ne dois à nouveau fouler
Voyageur! Il n’y a pas de chemins
Rien que des sillages sur la mer

Imprévisible parcours que celui de cet Andalou, né à Séville en 1875! Rien ne laissait prévoir qu’il finirait ses jours "Tras el Pirineo" (derrière les pyrénées), à Collioure, pour y reposer à tout jamais à quelques kilomètres de la frontière le séparant de son pays d’origine. Après la prime enfance passée à Séville assombrie par le décès de son père, sa mère et son oncle vont lui prodiguer affection et soins attentifs et il poursuivra des études primaires et secondaires sous la houlette de maîtres et de professeurs qu’il tiendra toujours en grande estime. Puis il accompagne son frère à Paris à qui la maison Garnier vient de proposer un emploi de traducteur. De retour en Espagne, il sera affecté à Soria pour y enseigner le français, où il rencontre celle qui va devenir, le 30 juillet 1909, sa femme, Doña Leonor. Ses poèmes traduisent alors la joie et le bonheur de vivre avec celle qu’il aime passionnément. L’interlude sera de courte durée. Au cours d’un second voyage à Paris, où il fait la connaissance de Ruben Darío et suit les cours de Bergson à la Sorbonne, sa jeune femme contracte la tuberculose. Elle mourra le 1er août 1912. Désormais, le poète va se consacrer à traduire au moyen de l’écriture poétique l’inquiétude intérieure d’un esprit entièrement voué à la réflexion philosophique, qu’il livrera dans des ouvrages en poésie et en prose intitulés : "Champs de Castille", "Les Complémentaires", "Juan de Mairena", "Abel Martin". A Ségovie, où il vient d’être muté, son cœur s’enflamme à nouveau pour celle qui passera à la postérité sous le nom de Doña Guiomar. Pour lors, il partage son temps entre ses activités professionnelles et ses escapades à Madrid où, dans les "tertulias" littéraires, il rencontre l’intelligentsia espagnole de l’époque -Unamuno, Valle Inclán, Alberti- et il collabore avec son frère Manuel à la rédaction de pièces de théâtre. Cette fièvre créative ne l’empêche pas de s’intéresser aux mouvements politiques et sociaux qui secouent l’Espagne, et qui la diviseront  bientôt en deux camps fratricides. Républicain de toujours, Machado se retrouve naturellement dans le camp des opposants à Franco et met sa plume au service du peuple, collaborant à plusieurs journaux dont "La Vanguardia" de Barcelone. La guerre le sépare de Doña Guiomar, qui part pour le Portugal, et à mesure de l’avance des troupes factieuses, ses amis conduisent le poète à abandonner Madrid pour Valence, puis Barcelone. Il accuse de plus en plus la fatigue physique et morale: Lorca a été fusillé. Unamuno, qu’il admirait, n’est plus. Les fascistes gagnent du terrain. Il lui faut se résoudre à quitter Barcelone, cette fois pour l’étranger. La mort dans l’âme, le voici sur le chemin de l’exode, accompagné par sa mère octogénaire, son frère José et la femme de celui-ci, au milieu de tout un peuple -le sien- de fugitifs. Dans la cohue, il perd une valise contenant des travaux inédits. Le groupe est épuisé. Il fait froid. Un ami explique au Commandant du poste de Perthus qui est Machado. Le gradé réussit à leur procurer une voiture qui, péniblement, conduit les quatre rescapés jusqu’à Cerbère. Ils se voient contraints de passer la nuit dans un wagon où règne une température glaciale. Le lendemain, ils descendent à Collioure, où un employé des chemins de fer, Monsieur Baills, les aiguille vers l’hôtel Quintana. Pourquoi cette halte à Collioure? Pourquoi le poète n’a-t-il pas essayé de rejoindre Paris, qu’il connaissait et où il était connu? La question reste sans réponse. Sans doute faut-il en attribuer la cause à l’épuisement. Collioure marque en tout cas le point final de son parcours. Ainsi en a décidé son destin. Arrivé le 2 février 1939 il y mourra le 22 du même mois. Dans l’intervalle, M. Baills a reconnu en Machado le grand poète qu’il avait eu l’occasion – à l’époque, déjà – d’étudier en classe d’espagnol. La nouvelle s’était répandue et on lui fit un enterrement digne de sa personne et de ce qu’elle représentait. Son frère trouva dans une des poches de son pardessus un bout de papier chiffonné sur lequel il avait écrit ce que l’on considère comme son dernier vers:
"Esto días azules y este sol de la infancia."

 

Miguel Martinez

Secrétaire général de la fondation Machado

 

 A. Machado sur son lit de mort

 Hommage au poéte

Enterrement à Collioure

ANTONIO MACHADO: MEDITATION DU JOUR

Publié: 17 avril 2006 dans Poésie

  Meditacion del dia

 

 

 Frente a la palma de fuego
que deja el sol que se va,
en la tarde silenciosa
y en este jardin de paz,
mientras Valencia florida
se bebe el Guadalaviar
– Valencia de finas torres,
en el lirico cielo de Ausias March, *
trocando su rio en rosas
antes que llegue a la mar ! –
pienso en la guerra. La guerra
viene como un huracan
por los paramos del alto Duero,
por las llanuras de pan llevar,
desde la fertil Extremadura
a estos jardines de limonar,
desde los grises cielos astures
a las marismas de luz y sal.
Pienso en Espana, vendida toda
de rio a rio, de monte a monte, de mar a mar.

Valencia, abril 1937

 

(*) Ausias March (1397-1459) : poète valencien qui introduisit le pétrarquisme dans la poésie catalane.

 

 

ESSAI DE TRADUCTION EN FRANCAIS  PAR OSCAR

 

MEDITATION DU JOUR

  

Face à la palme de feu

que laisse le soleil couchant,

dans le crépuscule silencieux

et dans ce jardin de paix,

pendant que Valence en fleur

boit le Guadalaviar

– Valence aux fines tours,

dans le ciel lyrique d’ Ausias March,*

changeant  sa rivière en roses

avant d’arriver à la mer ! –

Je pense à la guerre. La guerre

qui vient comme un ouragan

par les déserts du haut Duéro,

porté par les plaines à blé,

de la fertile Extremadure

à ces jardins de citronniers,

du ciel gris des Asturies

aux marais de lumière et de sel.

Je pense à l’Espagne, trahit

de rivière à rivière, de mont à mont, de mer à mer.

 

Valence, avril 1937 

 

 
(*) Ausias March (1397-1459) : poète valencien qui introduisit le pétrarquisme dans la poésie catalane.

Antonio Machado
Poesias completas – 1943

Ed. Losada, Buenos Aires

LA VICTOIRE DE GUERNICA.

Publié: 16 avril 2006 dans Poésie

LA VICTOIRE DE GUERNICA 

 

Paul Eluard, 1938

 

        I

Beau monde des masures

De la nuit et des champs

 

     II

Visages bons au feu visages bons au fond

Aux refus à la nuit aux injures aux coups

 

      III

Visages bons à tout

Voici le vide qui vous fixe

Votre mort va servir d’exemple

 

     IV

La mort coeur renversé

 

       V

Ils vous ont fait payer la pain

Le ciel la terre l’eau le sommeil

Et la misère

De votre vie

 

        VI

Ils disaient désirer la bonne intelligence

Ils rationnaient les forts jugeaient les fous

Faisaient l’aumône partageaient un sou en deux

Ils saluaient les cadavres

Ils s’accablaient de politesses

 

         VII

Ils persévèrent ils exagèrent ils ne sont pas de notre monde

 

         VIII

Les femmes les enfants ont le même trésor

De feuilles vertes de printemps et de lait pur

Et de durée

Dans leurs yeux purs

 

         IX

Les femmes les enfants ont le même trésor

Dans les yeux

Les hommes le défendent comme ils peuvent

 

         X

Les femmes les enfants ont les mêmes roses rouges

Dans les yeux

Chacun montre son sang

 

         XI

La peur et le courage de vivre et de mourir

La mort si difficile et si facile

 

         XII

Hommes pour qui ce trésor fut chanté

Hommes pour qui ce trésor fut gâché

 

         XIII

Hommes réels pour qui le désespoir

Alimente le feu dévorant de l’espoir

Ouvrons ensemble le dernier bourgeon de l’avenir

 

         XIV

Parias la mort la terre et la hideur

De nos ennemis ont la couleur

Monotone de notre nuit

Nous en aurons raison.

 

LE FUSILLE

Publié: 15 avril 2006 dans Poésie
UN POEME TOUCHANT

POUR LA LIBERTÉ – Rachel ARTO – 1

Le fusillé

Par l’automne de feuille morte

Mon copain qu’on a fusillé

Son sang n’est pas encore caillé

Et fume là devant la porte…

Il avait des yeux indécis

Comme drapeaux mouillés de pluie

Et vers un horizon de suie

Tendait parfois ses bras durcis.

Son cœur était plein de révoltes,

Etait pourtant si plein d’amour

Qu’il luttait dans le demi-jour

Pour l’espoir de neuves récoltes.

Mon copain qu’on a fusillé

Par l’automne de feuille morte

Son sang fume devant la porte

Son sang n’est pas encore caillé…

Marcel Bouquet

Lauréat du concours de l’association "Le cercle García Lorca" en 194

MAMAN

Publié: 15 avril 2006 dans Poésie

UN POEME D’EOLIENNE MA PETITE SOEUR

 

 

Maman

Je fêtais mes vingt ans de jeunesse insouciante,
Et toi tu t’éteignais sur un lit d’hôpital,
Je voulais te revoir…. Un sentiment vital,
Me poussait vers tes bras, douce chaleur radiante.

Soudain j’entends au loin sonner le téléphone,
Je file décrocher, en tremblant quelque peu,
Triste nouvelle hélas ! Ton âme a fui vers Dieu…
Immobile je reste en devenant aphone.

Sale cancer, vainqueur, très loin de nous t’emporte,
Je crie, hurle et je pleure en disant « reste là » !
« Reste tout près de moi, refuse l’au-delà » !
Mais ton corps amaigri vient de fermer sa porte.

Chaque jour de ma vie, Maman, à toi, je pense.
Nul ne pourra gommer, ce vide dans mon cœur,
Ni, contre ce cancer, cette immense rancœur
Qui brûle dans ma tête, en éternelle offense.

 

 

Eolienne est ma petite soeurqui se débrouille trés bien en poësi. Merci petite soeur et gros bisous.

Le site d’Eolienne: http://www.mespoemes.net/sites/index.php?login=eolienne

 

PAROLES DE DEPORTES

Publié: 14 avril 2006 dans Poésie

PAROLES DE DEPORTES

 

À MA MÈRE

 

Écoute Maman, je vais te raconter
Écoute, il faut que tu comprennes

Lui et moi on n’a pas supporté

les livres qu’on brûlait

les gens qu’on humiliait

Et les bombes lancées

sur les enfants d’Espagne

Alors on a rêvé

de fraternité…

Écoute Maman, je vais te raconter,
Écoute, il faut que tu comprennes

Lui et moi on n’a pas supporté

les prisons et les camps

Ces gens qu’on torturait

et ceux qu’on fusillait

Et les petits-enfants

entassés dans les trains

Alors on a rêvé

de liberté.

Écoute Maman, je vais te raconter,
Écoute, il faut que tu comprennes

Lui et moi on n’a pas supporté

Alors on s’est battu

Alors on a perdu

Écoute Maman, il faut que tu comprennes
Écoute, ne pleure pas…

Demain sans doute ils vont nous tuer

c’est dur de mourir à vingt ans

Mais sous la neige germe le blé

et les pommiers déjà bourgeonnent

Ne pleure pas

Demain il fera beau

 

Gisèle GUILLEMONT
poème écrit à Fresnes, juillet 1943

 
 
"Paroles de déportés", Les Editions de l’atelier

La femme adultère 

 

Je la pris près de la rivière
Car je la croyais sans mari
Tandis qu’elle était adultère
Ce fut la Saint-Jacques la nuit
Par rendez-vous et compromis
Quand s’éteignirent les lumières
Et s’allumèrent les cri-cri
Au coin des dernières enceintes
Je touchai ses seins endormis
Sa poitrine pour moi s’ouvrit
Comme des branches de jacinthes
Et dans mes oreilles l’empois
De ses jupes amidonnées
Crissait comme soie arrachée
Par douze couteaux à la fois
Les cimes d’arbres sans lumière
Grandissaient au bord du chemin
Et tout un horizon de chiens
Aboyait loin de la rivière
Quand nous avons franchi les ronces
Les épines et les ajoncs
Sous elle son chignon s’enfonce
Et fait un trou dans le limon
Quand ma cravate fût ôtée
Elle retira son jupon
Puis quand j’ôtai mon ceinturon
Quatre corsages d’affilée
Ni le nard ni les escargots
N’eurent jamais la peau si fine
Ni sous la lune les cristaux
N’ont de lueur plus cristalline
Ses cuisses s’enfuyaient sous moi
Comme des truites effrayées
L’une moitié toute embrasée
L’autre moitié pleine de froid
Cette nuit me vit galoper
De ma plus belle chevauchée
Sur une pouliche nacrée
Sans bride et sans étriers
Je suis homme et ne peux redire
Les choses qu’elle me disait
Le clair entendement m’inspire
De me montrer fort circonspect
Sale de baisers et de sable
Du bord de l’eau je la sortis
Les iris balançaient leur sabre
Contre les brises de la nuit
Pour agir en pleine droiture
Comme fait un loyal gitan
Je lui fis don en la quittant
D’un beau grand panier à couture
Mais sans vouloir en être épris
Parce qu’elle était adultère
Et se prétendait sans mari
Quand nous allions vers la rivière

Fédérico Garcia Lorca

 

 
(traduction Jean Prévost–Edition Gallimard)